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La Banque mondiale a dû interrompre le financement de projets humanitaires et de développement au Congo d’une valeur totale de 1 milliard de dollars en raison de la dissolution par le président Tshisekedi du Fonds social pour la RDC et de la création d’un autre fonds du même nom. Des discussions sont en cours entre l’institution internationale et les autorités en vue de trouver des mesures transitoires, mais les conséquences se font déjà sentir sur le terrain.

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Le 4 mai, le président Tshisekedi a dissout le fonds social pour la RDC par ordonnance et en a créé une autre en raison de « l’évolution du cadre juridique régissant les établissements publics » et des « impératifs de fonctionnement et d’efficacité », selon les textes lus ce jour-là à la radio et à la télévision nationales congolaises.

Le 12 mai, dans une lettre adressée au ministre des Finances, le directeur des opérations de la Banque mondiale pour la RDC, Albert Zeufack, a dit regretter « l’absence d’un échange préalable » avant la dissolution du fonds social pour la RDC et la création d’une nouvelle institution pour la remplacer, ce qui n’est « pas conforme aux Accords légaux concernant les modalités de mise en œuvre » de ces projets. Il a également précisé que plus de 600 000 personnes allaient être affectées par les conséquences de cette décision. Il a par ailleurs rappelé que 91 millions de dollars sur le milliard de dollars étaient « injustifiés à ce jour » ou “décaissés mais pas documentés”.

91 millions “injustifiés à ce jour”

Le Fond social pour la RDC recevait des fonds pour trois projets relatifs à la stabilisation pour les provinces de l’est, le Nord et le Sud Ubangi, le Kasaï Central et la ville de Kinshasa et à la prévention des violences sexuelles qui finançait eux-mêmes des dizaines de projets et d’activités.  La Banque mondiale a expliqué  que « le gouvernement peut dissoudre et redéfinir ses institutions (…) », mais que « selon les accords de financement, la mise en œuvre des projets en cours ainsi que le décaissement des fonds peuvent être impactés par l’option prise par les autorités ». « Les trois projets ne sont pas au même stade de mise en œuvre et des solutions spécifiques seront trouvées pour chacun d’eux », a-t-elle ajouté dans son courriel, tant ajoutant que “les autorités congolaises et la banque mondiale continueront de travailler ensemble pour définir les nouveaux arrangements de mise en oeuvre des trois projets concernés par le changement institutionnel en cours”.

La porte-parole du président Tshisekedi, Tina Salama, a assuré qu’il n’y avait « aucune suspension » des financements. « Il y aura une gestion transitoire, notamment avec le ministère des finances », a-t-elle déclaré.

La présidence de la RDC et la Banque mondiale n’ont pas commenté les 91 millions de fonds injustifiés.  

“Une catastrophe pour les victimes”

En attendant, des dizaines de projets et d’activités, notamment de prévention des violences sexuelles comme ceux de la Fondation Panzi du Dr Denis Mukwege ont été impactés. « C’est une catastrophe pour les victimes », a déclaré le Dr Denis Mukwege, annonçant l’arrêt de son programme d’aide aux victimes de violences sexuelles dans la province du Tanganyika, où au moins 60 victimes par mois étaient orientées vers le programme de la  Fondation Panzi. Il affirme avoir été prévenu « quelques jours avant » que les dépenses engagées dans le cadre de son programme au Tanganyika ne seraient plus remboursées à partir de la fin du mois d’avril. « Les patients que vous avez opérés quelques jours avant, que leur dites-vous ? », a ajouté Mukwege. « On a complètement arrêté depuis fin avril. Récemment encore, Ocha m’avait demandé de prendre en charge des victimes de violences sexuelles, j’ai dû refuser car on ne peut plus se faire rembourser les fonds engagés », explique le docteur Silas Hasimi, coordinateur des activités de la Fondation Panzi dans la province du Tanganyika. 

D’autres institutions bénéficiaires ont confirmé à ACTUALITE.CD l’arrêt ou la suspension de certains programmes en attendant la fin des discussions entre le gouvernement congolais et la Banque Mondiale, faute de fonds ou de remboursements.

Un amateurisme au sommet de l’Etat?

« La situation du Fonds social de la République démocratique du Congo démontre l’amateurisme au sommet de l’Etat et les pratiques de mauvaise gouvernance qui caractérisent le régime actuel », a commenté Valery Madianga, directeur général du Centre de Recherches en Finances Publiques et Développement Local (Crefdl), une organisation congolaise spécialisée dans l’audit des finances publiques. « Il y a manifestement une volonté de dissimuler l’utilisation de 91 millions de dollars qui n’a pas été justifiée jusqu’à présent », a-t-il ajouté, rappelant qu’il s’agissait d’une structure gérée par la présidence de la République et que d’autres scandales avaient déjà entaché cette institution sous Félix Tshisekedi.

Quatre des principaux candidats de l’opposition aux élections présidentielles avaient écrit le 10 mai au directeur général du Fonds monétaire international, avec copie aux dirigeants de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement, pour demander un « audit des ressources allouées » par ces institutions internationales, justifiant cette demande par le manque d’impact de ces fonds pour la population congolaise.

Sonia Rolley

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