Ultimate magazine theme for WordPress.

Le gouvernement Sama Lukonde 2, nuisible au progrès économique ? (Analyse d’Oasis Kodila)

2

Le président de la République Félix Antoinne Tshisekedi (à droite) et le premier ministre, chef du gouvernemen Jean Michel Sama Lukonde ( à gauche)

On l’attendait depuis. Repoussé. Opportun ou non ? Enfin, il est sorti. Sama Lokonde 2 est né. Ce nouveau gouvernement ne peut échapper à de diverses lectures tant les enjeux sont énormes, notamment sécuritaires, électoraux et économiques. Trois chiffres nous permettent de faire une première analyse économique.

58. C’est de la nouvelle équipe. Il est révélateur de beaucoup de choses et source naturellement de problèmes. Avant tout chose, une taille aussi importante nous rappelle que l’on n’est pas sortie de la tradition qui s’est imposée depuis. En fait, hormis l’intermède des années 2012-2016, les différents gouvernements ont tendance à devenir des Mammouths encore plus grands. C’est le sens de la tendance (courbe pointilleuse) du graphique sur l’évolution de la taille du gouvernement. Aussi, ce graphique montre que cette taille se révèle supérieure à la moyenne de la période considérée. Enfin, cette taille indique également l’incohérence temporelle (plus simplement l’idée que selon laquelle l’engagement pris aujourd’hui qui n’est plus respecté dans le futur) du gouvernement. En conseil des ministres du 12 août, le Président comme son Premier ministre avaient plusieurs fois émis le vœu de voir le train de vie des institutions être réduit. Les instructions ont été données. La mouture de ce gouvernement n’entre nullement dans l’esprit de cet engagement.

Ce nombre n’est pas sans conséquence. En effet, plusieurs inquiétudes sont de mise. Primo, on reconnait, dans la littérature économique universitaire, le caractère nuisible d’une taille importante du gouvernement sur le progrès économique. Secundo, cette taille peut entraîner des répercussions sur les équilibres macroéconomiques. Les mécanismes sont évidents : l’installation d’un nouveau gouvernement a un coût à l’entrée (installation) comme à la sortie (exit). Si ce coût, appuyé par une spéculation, s’avère important, l’équilibre entre la monnaie nationale et le dollar américain, déjà fragile, va s’accentuer, auquel cas la pression sur le marché de change va devenir encore plus tendue. L’enjeu n’est pas seulement le coût de sortie ou d’installation, mais également la composition des dépenses publiques qui, ceteris paribus, peut nous plonger vers ce que j’appelle ‘notre péché mignon’ (à savoir l’instabilité macroéconomique qui part et revient) dans une année électorale. En effet, en 2022, selon les États de suivi budgétaire, 17,14 % du Budget ont été consacrés aux dépenses de fonctionnement des ministères et 45,37 % aux rémunérations. Plus de Vice-primatures et de Ministères d’État d’une part et un nouvel équilibre politique de la gestion des finances publiques, avec l’arrivée des poids lourds politiques d’autre part, impliquent habituellement plus de ressources. La qualité de la dépense publique ne sera pas a priori garantie. En plus de cet effet qui résulte de l’augmentation du nombre et de l’économie politique des finances publiques congolaises, il y a lieu de rappeler que les années électorales et les années précédentes, ces exercices démocratiques sont toujours associés à des déficits budgétaires plus importants. Cette combinaison est un cocktail qu’il faut que le gouvernement cherche à apprivoiser au risque d’ouvrir la boîte de Pandore. Toutefois, comment arriver si le problème est endogène à la constitution et à la composition du gouvernement ? Tel est le vrai de challenge.

22,24. C’est exactement le nombre de mois et de jours du gouvernement Sama Lukonde 1. Le graphique suivant retrace la durée en nombre de mois de chaque gouvernement congolais depuis 1965 à maintenant. Une régularité ressort : la ligne tendancielle indique la présence des montagnes russes ; ce qui traduit une certaine instabilité gouvernementale pour parler comme les économistes. Or, cette propension à l’effondrement du gouvernement ou à un changement imminent du gouvernement a des effets délétères très documentés scientifiquement. En effet, l’instabilité politique ou gouvernementale est nuisible à la croissance économique, l’investissement, l’épargne, la productivité des entreprises, aux droits de propriété, aux flux d’investissement international, aux facteurs de production (productivité, capital physique et capital humain), l’aide, etc. Elle accroit le chômage des jeunes et le sous-emploi, les distorsions dans le marché du travail, la volatilité de la politique budgétaire et commerciale. Pour comprendre, ce n’est pas compliqué. Considérons un mécanisme simple. L’instabilité gouvernementale s’accompagne de l’incertitude sur la conduite de la politique économique : la politique en cours sera-t-elle reconduite ou poursuivie ? Sa conduite sera-t-elle conduite avec la même maitrise ou mieux ? Etc. Autant de questions ou préoccupations qui peuvent embêter les agents économiques. Dans le cas d’espèce, l’homme politique congolais fait difficilement avec la continuité, voulant lui aussi se démarquer ou se vendre. Quitte à faire tabula rasa. Par voie de conséquence, on entre dans une logique d’incohérence temporelle – les engagements pris hier ne sont plus respectés. Même si le temps ne joue pas en sa faveur, le défi de ce gouvernement est d’être crédible d’une part et de faire des choses intelligentes d’autre part en vue des enjeux sus-évoqués (élection, économie et sécurité).

Un autre souci susceptible de rendre ce gouvernement inefficace du point de vue de la population est le temps. Premièrement, on est à quelques mois des élections. La focalisation vers ce processus peut devenir une incitation négative dans le chef des acteurs politiques, reléguant au second plan tout autre objectif. Deuxièmement, le temps de la prise en main des dossiers est une autre difficulté. Au regard des enjeux, chacun voudra rapidement s’amener avec son équipe, détruisant par ricochet toute la mémoire institutionnelle dans un contexte où l’Administration publique est de fois mise à l’écart. Ceci va à coup sûr ralentir l’appareil étatique.

17. C’est le nombre de femmes dans ce gouvernement. Pour un gouvernement de 58 personnes, il est clair que l’on est loin de la parité. Voici une autre preuve de l’incohérence temporelle du gouvernement. De manière relative, on est passé de 28,6 % à 29,3 %. Mais dans les faits, le Président de la République qui est présenté comme le champion de la masculinité positive, pèche en réduisant le pouvoir des femmes ministres. Pour s’en convaincre, il sied de noter qu’aucune femme n’est présente dans la vice-primature comme dans le gouvernement passé. Quant à la composition entre les ministères et les vice-ministères, c’est là qu’il y a également problème : moins de ministres femmes et plus de vice-ministres. Or, s’agissant de la catégorie « vice-ministères », le pouvoir décisionnaire est quasiment nul.

Au-delà des considérations paritaires ou de la représentativité pour l’effet image ou de role model, il y a un autre enjeu important, en l’occurrence la préférence des politiques. Il est établi de manière générale que les femmes ont une préférence sociale plus élevée que les hommes en termes de conduite de politique publique ou économique. Dans une situation où les fondamentaux sociaux sont secoués, davantage de femme aurait pu être intéressant, à moins que les Congolaises se comportent différemment des autres femmes ; ce qui reste à démontrer.

En définitive, le changement gouvernemental à la veille des élections du point de vue de la rationalité politique présidentielle peut s’avérer pertinent (affirmer son alliance avec certains ténors ou élargir son électorat via les cadors nommés). Cependant, le slogan de Bill Clinton, ancien président américain, lors de sa première campagne présidentielle est opportun : « It’s economy. » Comme pour dire, c’est l’économie qui compte. La rationalité politique ne doit pas primer sur la rationalité économique au risque de perdre gros.

Leave A Reply

Your email address will not be published.