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RDC : Hérita Ilunga – “pas sûr que la Coupe du monde soit un objectif…”

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Retiré des terrains depuis 2016, à l’âge de 34 ans, Hérita Ilunga est aujourd’hui président de l’Union des Footballeurs du Congo (UFC) et membre du board de la FIFPRO, le syndicat mondial des joueurs. Le football d’aujourd’hui, l’ancien international congolais le vit avec beaucoup de recul. Dans cette interview exclusive accordée à Afrik-foot.com, l’ex-latéral gauche a fait le diagnostic des maux du football dans son pays, en saluant le travail du nouveau sélectionneur des Léopards, Sébastien Desabre. Il n’a pas manqué d’inviter les fans de la RD Congo à plus d’humilité face aux récents résultats de ses compatriotes. De sa posture de président de l’UFC, il appelle à toute la fermeté nécessaire pour tous les fauteurs dans l’affaire d’abus sexuels sur des mineurs vécue dans le football en RDC ces dernières années.

Entretien réalisé par Yoro Mangara,

La RDC s’est qualifiée pour la CAN 2023 après avoir raté la précédente. Est-ce un retour à la normalité ?

On peut dire ça si on regarde l’histoire de la RDC en Coupe d’Afrique, au nombre de participations. On vient de traverser une période de turbulences où on a eu beaucoup de difficultés sportives et extra sportives. Avec la nouvelle organisation technique autour du nouveau sélectionneur, on a l’impression qu’il y a l’environnement qui favorise les résultats sportifs.

Pourquoi ça ne marchait pas avant ?

Il y a beaucoup de choses qui l’expliquent. C’est vrai que nous ne voyons que les résultats sportifs mais c’est tout un environnement qui n’était pas propice à des résultats positifs. C’est la décision de la FIFA qui a suspendu la Fédération. Il y a aussi le départ de l’ancien président Constant Omari. Tout cela associé a mis le football dans une incertitude. Aujourd’hui, on essaye tant bien que mal de redresser la tête.

Pensez-vous qu’il faille poursuivre avec le comité de normalisation ou est-il temps de constituer une nouvelle Fédération ? Et qui à sa tête ?

On ne peut pas continuer avec un comité de normalisation. Il vient d’ailleurs d’être prolongé. Il faut une nouvelle direction, un nouveau président. Il faut un nouveau comité exécutif avec la vision la plus propice au développement du football congolais. Là on met en avant l’équipe nationale mais il y a aussi le football local, le football des jeunes et le football féminin, les infrastructures pour accueillir les différents championnats. La situation qui prévaut est, je l’espère, provisoire. Le temps que cela revienne à la normale et que l’on ait une direction « normale ».

« Il y a une atmosphère positive qui s’installe autour du football congolais »

Shabani Nonda, votre ancien coéquipier en sélection est le président du comité de normalisation. Pensez-vous qu’il ait les épaules solides pour diriger la prochaine Fédération ?

Ce n’est pas officiel mais, à plusieurs reprises, il nous l’a démontré, en ce qui me concerne. Il s’en est donné les moyens en rejoignant le centre de droit et d’économie du sport de Limoges afin d’apprendre la gestion et l’administration d’organisations sportives pendant deux ans. Il est en train d’obtenir son diplôme, ce qui n’est pas rien pour un ancien footballeur. Il connaît le terrain. Mais il avait cette volonté de se donner les outils de pouvoir être à la tête d’une institution sportive. Celle du football est très importante vu la place du football dans nos pays en Afrique. Mais il en a envie. En a-t-il les capacités ? On peut lui faire confiance. Dans ce genre de situations, il n’y a pas d’homme providentiel. Il faudrait qu’il soit accompagné d’une équipe d’experts, de personnes avec une vision commune pour sortir le football congolais de la situation dans laquelle il se trouve.

Les qualifications à la Coupe du monde 2026 débutent ce mois-ci avec le match RDC – Mauritanie pour démarrer mercredi. Dans cette poule avec le Togo, le Soudan du Sud, le Sénégal et le Soudan. La RDC peut-elle se qualifier pour la prochaine Coupe du monde ?

Une seule équipe se qualifie (directement, ndlr) dans chaque groupe. Avec l’actuelle champion d’Afrique, le Sénégal, qui est pour moi la meilleure équipe du continent du moment. Il y a d’autres équipes dans ce groupe avec un potentiel non négligeable et qui s’organisent de mieux en mieux. Il y a l’obligation de faire preuve d’humilité. Loin de moi l’idée de faire mon footeux (rires) mais il faudra prendre match par match. On ira avec de l’ambition mais on ne doit pas oublier d’où l’on vient : des qualifications pour la CAN 2023 très délicates. On a su se qualifier tant bien que mal mais ça reste un exploit pour moi. Le parcours qu’on a eu avec deux défaites lors des deux premières journées… Ce n’était pas évident.

Mais oui la RDC a le potentiel, c’est un grand pays, il y a une nouvelle organisation, de nouveaux binationaux qui sont venus, d’autres qui souhaitent rejoindre la sélection. On a l’impression qu’autour du football congolais, il y a une atmosphère positive qui s’installe et on espère que cela continue et que cela s’exprime sur les résultats. On verra ce que ça donnera dans ces qualifications. Il faut y aller étape par étape. La RDC retrouve la CAN. La Coupe du monde est-elle un objectif ? Je n’en suis pas certain. Mais on fera le nécessaire pour nous rapprocher.

Vous retrouvez la Mauritanie dans cette poule…

C’est une équipe qui a fait ce qu’il fallait pour se faire respecter. Il va falloir la respecter. C’est vrai qu’il y a des affaires autour du match à Nouakchott qu’on a joué contre eux. C’est une équipe avec un président très ambitieux qui fait énormément de choses pour le football dans son pays. Ce serait un énorme plaisir de les battre de nouveau sur le terrain.

« Tisserand a été écarté injustement »

Parlons de Sébastien Desabre aujourd’hui à la tête des Léopards. Est-ce un pari risqué d’aller chercher un coach qui évoluait à Niort en 2ème division française ?

Clairement oui ! Pour moi, c’est une surprise. C’est une belle surprise d’autant plus qu’il réussit depuis qu’il est arrivé. Pas certain que j’aurais fait ce choix-là. Mais force est de reconnaître que les dirigeants ont fait le meilleur choix. Espérons qu’il continue sur cette lancée. Ce n’est si évident d’être à la tête de l’équipe de RDC. Juste rappeler qu’avant lui c’était Hector Cuper, qui n’est pas un petit entraîneur. Ce n’était pas si évident pour lui. Pas évident non plus pour Christian Nsengi. Desabre, depuis son arrivée, il fait de très belles choses, il est plébiscité par pas mal de joueurs cadres. Il intègre de nouveaux joueurs, des jeunes. En tout cas, il a de la matière. Ce ne sont pas les joueurs qui manquent en RDC. Continuons à faire confiance. Il l’a mérité de par ses résultats, ce qu’il a mis en place. Espérons déjà qu’il entame bien ces qualifications au Mondial, qu’il ait une bonne préparation pour la CAN.

C’est vrai qu’il appelle de nouveaux joueurs mais il en écarte d’autres comme l’ancien capitaine Marcel Tisserand. Comprenez-vous cette décision ?

Non pas du tout ! Surtout quand on voit ce qu’a apporté Tisserand pendant de nombreuses années, au-delà du joueur. Les problèmes en interne il y en a énormément. Je sais qu’il a été une « personne solution », et à plusieurs reprises. Il est aujourd’hui écarté, j’espère que c’est juste un choix sportif. Si c’est un choix politique, ça me poserait problème parce qu’aujourd’hui, il est titulaire dans son club en Arabie Saoudite. Ça se passe plutôt bien pour lui. Il faisait partie des cadres et il a été écarté, pour moi, injustement.

La RDC a du mal à trouver un arrière gauche de votre trempe. Arthur Masuaku peut-il être ce joueur et est-il celui qui vous ressemble dans cette sélection ?

(Rires) Masuaku est un super joueur. Je ne crois pas qu’on ait le même profil. Il est beaucoup plus offensif. D’ailleurs, je pense qu’il est attaquant de formation. Il beaucoup plus porté vers l’avant que je ne l’étais. Je l’aime beaucoup parce qu’il a une capacité de s’adapter. Il n’a peut-être pas les mêmes aptitudes défensives que moi mais il s’en sort très bien. Il est adapté au football moderne.

« Ce genre de choses n’a absolument rien à faire dans le football »

Des histoires de pédo-criminalité ont éclaboussé le football en RDC. Qu’est-ce que cela vous fait en tant qu’ancien international congolais ?

C’est un fléau. Quand je le découvre, en tant que président de l’Union des footballeurs du Congo, notre mission c’est de défendre les conditions de travail des joueurs et joueuses. Bien entendu quand on apprend cela, on fait le nécessaire pour avoir des preuves. Parce qu’on veut savoir si c’est avéré. Effectivement, on a eu quelques témoignages, qui malheureusement, n’ont pas abouti à cause du rétropédalage de certains plaignants. La première chose qu’on voulait – et cela a été fait avec les sanctions de la FIFA – que toutes les personnes coupables soient condamnées et sortent du football. Des carrières ont été brisées. Au-delà des carrières, des vies ont été anéanties. Ce genre de choses n’a absolument rien à faire dans le football.

Comment comptez-vous, anciens footballeurs congolais, protéger ces jeunes qui veulent faire du football leur métier ?

Par l’éducation. Nous, en tant qu’anciens, nous menons des campagnes de sensibilisation depuis un moment. Il y a un travail fait avec les dirigeants de clubs car ce sont eux qui sont en contact direct avec ces jeunes-là. Il y a une communication à faire, face à certaines pratiques mélangées à certaines croyances locales qui suggèrent des méthodes pour accroître ses chances de devenir footballeur professionnel. Ce qui est totalement faux. Seul le travail permet de devenir professionnel. Il faut être de plus en plus proche de ces jeunes-là parce qu’ils commencent très jeune. C’est une éducation à donner à ces jeunes pour qu’ils se donnent les moyens d’atteindre leur rêve.

Source : afrik-foot.com

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